Lettre du curé de la paroisse à l'Evêque de Limoges (30 août 1852)

"Monseigneur, le gouvernement du Prince-Président s'est trop bien passionné pour l'intention où il est que les travaux demeurent suspendus dans les ateliers et chantiers relevant de l'Etat les jours de dimanche et fêtes conservées, pour qu'il soit permis de la révoquer en doute.
Cependant, les ouvriers qui sont employées, soit au terrassement, soit à la taille des pierres, soit à la maçonnerie, sur la partie de la ligne de chemin de fer de Châteauroux à Limoges qui passe dans ma paroisse, sont retenus dans leurs chantiers au moins pendant la matinée du dimanche, précisément à l'heure où ils auraient besoin d'être libres afin de satisfaire au précepte de l'assistance à la sainte messe et à l'instruction.
On ne peut pas motiver ce travail illégal des ouvriers les jours de dimanche sur l'urgence des travaux car, outre qu'ils ne sont guère commencés que depuis quelques semaines, on n'y emploie pas tous les ouvriers qui pourraient y être employés et plusieurs de ceux qui se sont présentés pour y travailler ont dû s'en retourner parce qu'on ne leur offrait pas un salaire suffisant. Il paraît permis de penser que c'est une spéculation de la part des entrepreneurs, ou des sous-entrepreneurs, qui, pour réaliser un plus grand bénéfice, payent les ouvriers le moins possible et les font travailler le plus qu'ils peuvent.
J'aurais pu, Monseigneur, adresser ma réclamation directement à M le Préfet, mais j'ai cru que transmise et appuyée par votre grandeur, elle lui paraîtrait avoir un caractère d'autorité en rapport avec la haute dignité dont vous êtes revêtu, et j'ai pensé que ce digne magistrat, en y faisant droit, serait heureux de trouver une nouvelle occasion de vous être agréable. (...)".

Réponse du Préfet à l'Evêque de Limoges (9 septembre 1852)

"Monseigneur, vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le 3 du mois courant, au sujet des ouvriers employés au chemin de fer de Châteauroux, dans la traverse de St Sébastien, lesquels travaillent le dimanche, malgré les défenses faites; et vous me demandez de prendre des mesures pour empêcher une plus longue violation des instructions ministérielles et des préceptes de la religion.

S'il est vrai, Monseigneur, qu'une circulaire du 20 mars 1849 a interdit le travail le dimanche et les jours fériés sur les ateliers des travaux publics, vous me permettrez de vous faire remarquer que des instructions postérieures, datées du 15 novembre 1851, en insistant pour le maintien rigoureux de cette interdiction, ont cependant admis que des circonstances exceptionnelles peuvent motiver une dérogation aux prescriptions des deux circulaires précitées, auquel cas l'autorisation de travailler le dimanche doit être accordée. Or, une de ces circonstances exceptionnelles se présente dans l'espèce.

Le décret du 7 mars dernier oblige l'administration de livrer la section du chemin de fer de Limoges, d'Argenton, à La Souterraine, à la fin de l'année 1853. Un rapport de M. L'Ingénieur en chef, du 17 mars dernier, établit l'urgence de ne pas perdre un seul instant, de pousser les travaux d'art et de terrassement avec l'activité la plus grande, et conclut par une demande d'autorisation de travailler les dimanches et fêtes à ces ouvrages.

C'est sur ces motifs que je viens de vous décliner, Monseigneur, que, vu la nécessité, j'ai pris un arrêté le 21 août dernier, dans lequel, adoptant les conclusions de MM. L'ingénieur en chef et l'ingénieur ordinaire, j'ai autorisé l'entrepreneur de l'atelier de St Sébastien, à travailler les dimanches et jours fériés. Veuillez croire, je vous prie, Monseigneur, à tout l'empressement que j'aurais mis, sans ce concours de circonstances, à donner des ordres pour faire cesser les faits qui vous ont été signalés. (…)."