La ligne de Paris à Toulouse

 

Les pressions politiques

Cette liaison était réclamée depuis 1842 par un "Comité pour la Construction d'un chemin de fer de Paris vers le Midi par Limoges et à travers le Limousin du Nord au Sud".

Une délégation limousine fît, pour la première fois, le chemin de Paris pour aller défendre les intérêts du pays. Elle obtint l'appui de Messieurs Peyramont, Muret de Bord, Léon Talbot, Leyraud et Petiniaud-Juriol, les trois premiers députés de Haute-Vienne les deux autres députés de la Creuse.

Le choix du tracé

Le projet fut adopté le 29 Février 1844 pour la section de Paris à Châteauroux par Vierzon. Quant au parcours de Châteauroux à Limoges, il fît l'objet de plusieurs propositions.

Parmi celles-ci, une ligne par Chamborand et Paulhac, entre la Souterraine et Saint Sulpice Laurière, fut rejetée par le Conseil Général. Une autre proposition, plus sérieuse, fut plaidée avec passion par les Conseils Municipaux de Guéret et Bourganeuf. Elle s'appuyait sur un tracé caractérisé par une pénétration en Creuse à Crozant et une sortie de ce département près de Montboucher, mais en évitant La Souterraine (voir croquis). Plusieurs cantons seraient desservis et la relation directe avec Limoges assurée.

 

Dans le cahier des pétitions ouvert à Guéret, on relevait, en date du 5 Janvier 1846, les observations suivantes de Monsieur Montaudon-Ducros, porte-parole du Conseil Municipal de La Souterraine en faveur de la desserte ferroviaire de sa ville : "La Souterraine, bourg de 3000 âmes, a deux marchés par semaine, une foire par mois (les meilleurs du département et des arrondissements voisins), a des ouvriers intelligents, de bonnes auberges pour attendre patiemment le départ et l'arrivée des wagons, des maisons de roulage pour rendre promptement et sûrement, à leurs destinations les marchandises, a plusieurs voitures publiques, est située près de la route de Paris à Toulouse, a un hospice pour recevoir les voyageurs qui descendraient malades des wagons et ceux que tout autre accident pourrait y amener". Finalement, le projet défendu par Guéret et Bourganeuf fut, lui aussi refusé. C'est le tracé par La Souterraine qui fut adopté car il était plus court de 7 kilomètres et ne nécessitait que le percement de trois souterrains.

Le début de la construction : Faux départ pour la Creuse

La ligne était comprise dans un important réseau de voies ferrées des régions montagneuses du Massif Central, concédé au Duc de Morny sous le nom de Grand Central.

Les travaux débutèrent dès les premiers jours de 1847, entre Châteauroux et Limoges. Un an plus tard, ils étaient à moitié achevés malgré un conflit revendicatif qui éclata le 21 Avril 1847 entre les ouvriers employés à la construction de la ligne près de La Souterraine. Ce conflit se solda par un échec : "300 ouvriers renvoyés sans aucune collision ni désordre", selon un rapport de gendarmerie.

Mais le 9 Septembre 1848, le citoyen Bineau, représentant du peuple, émit un vœu, devant l'Assemblée Nationale, au nom de la Commission des Finances, vœu selon lequel les travaux devaient être suspendus au-delà d'Argenton, à partir du 1er Novembre, jusqu'à ce que les lignes suivantes - considérées par lui, comme plus importantes - soient complètement achevées. Il s'agissait des lignes Paris/Strasbourg, Paris/Lyon, Tours/Bordeaux, Tours/Nantes. Le vœu fut adopté et les fonds allouées à la ligne supprimés.

La déception fut grande dans tous les départements concernés. En 1850, le Conseil Général de la Creuse demanda la reprise et l'accélération des travaux. Les Conseils d'arrondissements de Guéret et de Bourganeuf plus virulents, exprimèrent avec force l'amertume des notables et de la population.

Une des conséquences de ce malaise fut sans doute la méfiance qui s'instaura à l'égard de la construction de cette ligne. Ceci se traduisit notamment par la défection de la main d'œuvre locale quand on lui proposa plus tard, de travailler sur les chantiers de la voie. En effet, la plupart des maçons et terrassiers creusois, bâtisseurs en renom, restèrent longtemps à l'écart de ces grands travaux.

La fin des travaux

Ce n'est qu'en 1852, après une fusion entre les deux compagnies du Centre et d'Orléans, que les travaux reprirent et se poursuivirent pendant 4 ans. La section Argenton-Limoges ne comportait à l'origine qu'une voie. Au début de 1866, une seconde fut construite de Limoges à Saint Sulpice Laurière ; à la fin de l'année 1866, la double voie rejoignait La Souterraine et, en 1867, atteignait Argenton.

Enfin la ligne fut ouverte jusqu'à Limoges le 2 Juin 1856 au trafic marchandises et le 16 au trafic voyageurs, traversant ainsi la Creuse sur 30 km environ et desservant dans ce département les localités de Saint Sébastien, Forgevieille et La Souterraine. Un dépôt fut également construit dans cette dernière ville, mais il ne fonctionna que du 2 juin au 21 Novembre 1864.

L’électrification

Dès Juin 1921, Léon Chagnaud, entrepreneur de travaux publics, créait, pour relancer la construction du barrage d'Eguzon qui à l'époque ne mesurait qu' 1,5 mètre, l' Union Hydro Electrique, avec des actionnaires très influents comme la Compagnie du P.O.

Celle ci avait l'intention de poursuivre l'électrification de son réseau de Vierzon à Toulouse et se trouvait intéressée au premier chef par une usine hydroélectrique dans la région qui lui permettrait de relayer efficacement l'usine thermique de Genevilliers.

C'est ainsi que fût inauguré le 5 juin 1926 le barrage d'Eguzon en présence du sous secrétaire d'Etat à l'Enseignement technique, le Sénateur Bénazet.

De toutes les lignes creusoises, celle-ci est la seule électrifiée depuis le 29 Avril 1935, jour de mise en tension des caténaires sur le tronçon Châteauroux-Limoges. Mais c'est avec le service d'été, débutant le 15 Mai 1935, que la traction électrique entra en service sur le parcours Vierzon-Brive.

L'inauguration officielle eut lieu le 4 Octobre 1935 par Monsieur Richemond de la Compagnie du P.O. Midi. Le lendemain, le barrrage de Marèges, situé en Corrèze, sur les gorges de la Dordogne, fut inauguré à son tour, en présence du Ministre des Travaux Publics, Monsieur Laurent Eynac et du Député de la circonscription d'Ussel, Maire de Neuvic, Monsieur Henri Queuille.

Cet ouvrage avec son usine hydroélectrique ainsi que le poste haute tension voisin de la Môle ont été construits par la Compagnie du P.O. Midi, pour alimenter, après connexion avec Eguzon, la voie ferrée électrifiée Paris-Limoges-Toulouse.